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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

ceux qui font de la politique. — Nous n’avons pas le temps d’attendre. Vous avez cinq minutes pour répondre. Êtes-vous pour l’expulsion des moines ? — Eh bien ! puisqu’elle est un fait accompli, oui, nous sommes pour l’expulsion des moines. — Et des bonnes sœurs ? — Oh ! oh ! des femmes, y pensez-vous, et des femmes généreuses et dévouées qui soignent les pauvres malades gratis ! — Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. On n’a pas le droit, quand on est libéral, de montrer une cornette à un mourant. Êtes-vous, oui ou non, pour les bonnes sœurs ? — Eh bien ! voici notre suprême concession, et dont vous goûterez et apprécierez l’importance : nous vous abandonnons les bonnes sœurs. Mais, pour le coup, laissez-nous les curés, à condition qu’ils soient démocrates. — Et comment s’assurera-t-on qu’ils le sont ? Non et non ! Il nous faut encore la peau des curés. »

Ainsi continue la conversation. Il est bien dommage qu’aucun Molière ne se soit levé pour portraicturer le démocrate et, comme l’on dit en argot de cimetière, ses concessions à perpétuité. C’est un personnage comicotragique, inhérent au XIXe siècle, nourri de ses bourdes et illusions, fier de cette nourriture et convaincu qu’elle dépasse en excellence, le pain matériel et mystique, le pain des meuniers, comme le pain des anges. Que dis-je ! Le libéral domine le XIXe siècle. Il en est l’enseigne et l’orgueil. Ce triomphe seul, s’il n’en était d’autres, suffirait à stigmatiser une époque. Ce n’est point la rue révolutionnaire, c’est le salon libéral