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STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

soit un grand âne, et d’autant plus grand qu’il est plus libéral. Qu’est-ce en effet que le libéralisme, si ce n’est la recherche, théorique et pratique, et finalement l’acceptation d’une moyenne entre le meilleur et le pire, entre l’excellent et l’exécrable, entre le vrai et le faux, entre le raisonnable et l’absurde ?

Le libéral est un homme qui révère le Bon Dieu, mais qui respecte le diable. Il aspire à l’ordre et il flatte l’anarchie. Cela, dans tous les domaines, notamment l’intellectuel et le politique. Il va donc s’efforcer de trouver une formule qui concilie un terme et l’autre. D’où la notion du centre dans les assemblées, du « raisonnable » centre, qui tient la balance égale entre les extrêmes et défend la propriété et la famille avec la religion, par exemple, en souscrivant d’avance à tous les assauts passés, présents et futurs, donnés à la propriété, à la famille et à la religion. Il y a là, à la fois l’indice d’une faiblesse mentale et le signe d’un tempérament craintif. Le modèle en fut Émile Ollivier, qui mena la France à l’abîme en 1870-1871, mais continua, malgré l’évidence, à penser qu’il avait eu raison, et publia sur l’Empire libéral je ne sais combien de volumes pour le démontrer. Cela aussi est très dix-neuvième siècle. On a vu, à toutes les époques, des hommes d’État, des politiciens, se tromper lourdement. Mais ceux issus de ce suffrage universel, qu’inventa chez nous le XIXe siècle, gardent toujours l’espérance secrète qu’ils remonteront le courant, et qu’ils démontreront victorieusement que le noir est blanc, et qu’il fait nuit en plein