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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

l’altération volontaire de l’article 445 du Code de Procédure criminelle.

Cet acte, qui s’est produit précisément à la fin du XIXe siècle (et, en vertu du décalage susdit, à l’aube du XXe) est ainsi une conséquence du lent travail de délitement judiciaire qui succéda à la centralisation jacobine et napoléonienne. De la justice de paix à la Cour de cassation, la justice ira désormais en diminuant, jusqu’à devenir imperceptible. Elle est ancillaire quant à l’État ; et l’État napoléonien, dictatorial ou libéral est un État fol, livré à lui-même, sans contrepoids, mille lois plus absolu que la monarchie de ce nom, laquelle était « absolue » uniquement quant à l’intérêt national, dont elle se montrait la jalouse gardienne.

Je mets en fait qu’un président du Conseil de la République, dans la constitution actuelle, qui sait jouer de l’inertie, de l’incurie, de l’ignorance ou de la servilité de sa double majorité à la Chambre et au Sénat, est aussi absolu que le plus absolu des souverains (et sans présenter aucune garantie souveraine) dans l’exercice de son éphémère pouvoir. Il peut plonger le pays dans un abîme de maux, sans avoir aucun règlement de comptes ultérieurs à redouter. Il peut ne rien faire, alors que, pour conjurer un péril imminent, il faudrait faire quelque chose. Il joint l’omnipotence à l’irresponsabilité. Tel est l’aboutissement de quelques centaines de beaux discours, prononcés par de « grands » libéraux de 1789 à 1914. À mes yeux, je vous le dis franchement, il n’est « grand » libéral qui ne