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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

fille de la Réforme, et la réaction. Administrativement, les Napoléon renchérirent sur la centralisation Louis XIV (qui avait failli amener des malheurs vers la fin du règne étincelant), mais ils la pratiquèrent sans mesure, sur un pays arbitrairement découpé en départements et appauvri par une longue suite de guerres. Leur administration compléta ainsi, par le nivellement, le saccage affreux de la nuit du 4 août. L’abolition des coutumes locales et des privilèges fédératifs et corporatifs, le mécanisme inhumain qui en résulta, firent plus et pire pour la dépopulation (en dehors même du pernicieux régime successoral) que n’avaient fait les hécatombes. Les étais ramifiés dans toute la nation, et qui la soutenaient séculairement, les droits, devoirs et chartes des communes et des métiers, s’écroulèrent parmi les acclamations conjointes des libéraux (qui voyaient là l’émancipation de l’individu divinisé) et des autoritaires forcenés, qui s’ébahissaient d’un grand pays réduit ainsi en domesticité. De ces deux stupidités, célébrées à l’envi comme une suite de la déclaration des Droits de l’Homme, sortit le pire des maux sociaux, et contre lequel la monarchie traditionnelle avait toujours âprement lutté : l’effondrement de la justice par la servilité des magistrats. Dépendant uniquement du pouvoir central, malgré le principe hypocrite de l’inamovibilité, commandés au doigt et à l’œil et gourmandés secrètement par ce pouvoir, d’un bout à l’autre du territoire, privés des appuis locaux, de la surveillance locale, qu’assure la décentralisation, ces magis-