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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

de la pensée par la parole, et tout le long duquel les Furies portèrent le nom d’Euménides, ou de Bienveillantes.

Napoléon Ier ou, si vous préférez, Bonaparte, est la combinaison, à parties égales, d’un soldat de génie, d’un aberrant et d’un disciple éperdu de Rousseau, c’est-à-dire d’un imbécile (imbecillis, faible d’esprit). La lecture du Mémorial, qu’il dicta à Sainte-Hélène, est très caractéristique à ce point de vue. Les pages consacrées à l’art militaire donnent l’impression de la sécurité, de la certitude. Elles respirent le plus solide bon sens. Celles consacrées aux motifs de guerre (que l’impérial causeur eût été bien embarrassé de préciser) sont d’une puérilité déconcertante. Celles consacrées aux institutions, aux travaux des jurisconsultes, etc… apparaissent comme d’une rare niaiserie et d’une outrecuidance qui appartient au style de l’époque. Bonaparte y semble un personnage de Rabelais, un Picrochole réalisé. La chose est encore plus sensible chez l’historien contemporain fanatico-maboul Frédéric Masson, qui grossit les insanités de son idole Bonaparte, à la façon d’une boule de jardin. Les ouvrages de Masson, de l’Académie française, constituent, par leur exactitude même, mêlée de latrie napoléonarde, le plus redoutable des réquisitoires. Je n’ai pas connu Bonaparte, autrement que dans les propos de Roederer (qui rendent jusqu’au son de sa voix), mais j’ai bien connu Frédéric Masson, hargneux et falot, avec sa grosse tête sans cervelle, ses moustaches retombantes, sa voussure