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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

antique. Renan se contente d’énumérer, avec la grâce ironique qui lui est propre, deux ou trois points de vue assez flexibles, de constater leur désaccord, puis de s’en tirer par une esquive. Vous chercheriez en vain, chez Renan, une direction originale, — en dehors de son travail d’érosion, — une direction positive quant aux grands sujets qui maintiennent la civilisation : l’enseignement par exemple ; ou l’accord d’une forte morale et de la mobilité des mœurs ; ou la constitution de la famille ; ou la règle de l’État. Dans un de ses meilleurs ouvrages, la Réforme intellectuelle et morale, que de flottements et, chez cet hésitant, que d’affirmations hasardées, que de bévues ! Tel ce passage où il déclare qu’un peuple barbare n’aura jamais d’artillerie. Tel cet autre où il affirme qu’un officier élevé par les jésuites (ce qui devait être, quarante-cinq ans plus tard, le cas de Foch) ne battra jamais un officier allemand de grade égal. Au contraire, lisez chez Montaigne le chapitre de la ressemblance des enfants aux pères, qui traite de l’hérédité, de façon plus complète et approfondie qu’aucun auteur du XIXe siècle. Si je comparais les vues générales à une forêt, plantée de toutes sortes d’essences d’arbres, je dirais que l’esprit du XIXe siècle représente un appauvrissement des deux tiers sur la forêt du XVIe siècle, et de plus d’un tiers et demi sur celle du XVIIe siècle. Avec Renan, un des plus grands remueurs d’idées générales, est, sans contredit, Auguste Comte. À côté de parties lézardées — notamment dans l’échelle et hiérarchie des con-