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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

civile correspondent exactement, cent vingt ans plus tard, les cinq années de guerre exhaustive de 1914 à 1918. Jamais leçon n’a été plus manifeste, plus évidente, plus saisissante, plus palpable, plus tangible. Mais peu d’intéressés s’en doutent encore à l’heure où j’écris, à cause du voile de l’imprimé. La presse française à grand tirage ne sert point à divulguer ; elle sert à cacher, à celer, à dissimuler, et aussi, aux heures critiques, à fourvoyer.

Tout ceci se résume en quatre mots : l’État contre la nation. Qu’on y prenne garde : ç’a été de tout temps la formule de la désagrégation, puis de la disparition des peuples. Le juif épouvantable, Alfred Naquet, qui s’y connaissait, annonçait ironiquement aux Français, dès 1912, que le rôle de leur pays était d’être crucifié, comme Jésus-Christ, pour le salut de l’univers. Tel est le sort que l’on nous propose aujourd’hui. Est-ce à dire qu’il n’y ait pas eu, dans le courant de ce siècle XIXe, des hommes perspicaces, des hommes de grand talent et des hommes de bonne volonté ? Ce serait une forte injustice que de le prétendre. Mais les hommes perspicaces n’eurent pas, en général, l’audition de leurs contemporains. Mais les hommes de grand talent employèrent ce talent à des lamentations inutiles ou nuisibles (cas de Chateaubriand) ou à des prédictions et prédications insensées (cas de Hugo, le vaticinateur à rebours). Quant aux hommes de bonne volonté, ils ne firent pas porter celle-ci sur le point où elle eut été efficace. C’est une question de savoir si les héroïques mission-