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AVANT-PROPOS EN MANIÈRE D’iNTRODUCTION.

beaucoup) comportait l’offensive sur tous les points. De l’autre, l’humanitarisme homicide, à la mode chez les Anglo-Saxons et chez nous depuis 1900, comportait, aux yeux du régime républicain, la nécessité d’une preuve de non-agressivité. Cette preuve de non-agressivité, ce recul de 10 kilomètres, sur toute la ligne frontière, renversait le plan de notre état-major. Elle nous mettait en état d’infériorité immédiate et manifeste, stratégique et tactique. Elle affolait nos liaisons et paralysait nos troupes de couverture. Elle nous valut la triple défaite de Morhange, Dieuze et Charleroi. Elle amorça l’invasion et l’occupation allemandes. Elle aurait pu nous coûter la vie nationale. Il n’est pas indifférent, on le voit, d’admettre telle ou telle doctrine politique, de subir telle ou telle institution, reliée à cette doctrine. Nos vingt-deux idoles veulent du sang.

Je mets en fait qu’à aucune époque de notre histoire une semblable insanité n’eût été possible, ni tolérée. Elle fut tolérée, parce que le généralissime des armées françaises, Joffre, croyait que, même en temps de guerre, l’autorité militaire doit s’incliner devant les politiciens. Le généralissime Joffre et vainqueur de la Marne croyait cela (qui est absurde et funeste) parce que la presse républicaine et ses maîtres républicains le répétaient depuis sa jeunesse. Il eut bien la force de vaincre l’Allemagne, dans de pires conditions que celles où Charles Martel vainquit les Sarrasins à Poitiers. Il n’eut pas la force de secouer les préjugés démocra-