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CONCLUSION.

prenait le pas sur la Justice elle-même, séparée de l’équité par les abîmes de l’individualisme égalitaire. Les saccades de la politique démocratique, vacillante et branlante, se communiquaient aux tribunaux et aux prétoires. L’effondrement spirituel et intellectuel, qui ouvrait la Sorbonne à l’étranger, ouvrait le Palais de justice à la pire faiblesse et au pire désordre, en dépit de talents éclatants, mais dont les éclats blessaient le Droit. L’importance pathétique et politique de retentissantes affaires de Justice devenait égale à leur dérèglement.

Les constatations que je fais ici sont faites couramment, dans toutes les professions, depuis huit ans, depuis le coup de foudre de la grande guerre, par beaucoup de personnes sensées, auxquelles manque l’énergie de les formuler. Elles préfèrent se lamenter et geindre, plutôt que de remédier. J’ai connu un médecin comme cela. Il pleurait, en examinant ses cancéreux : « Ah ! mon pauvre monsieur, que vous allez souffrir et quelle mort horrible vous attend !…

— Mais docteur, en ce cas, que dois-je faire ?

— Rien. Vous n’avez rien à faire, ni à tenter. C’est précisément ce qui me désole. Vous êtes perdu et bien perdu. »

Encore ce médecin avait-il l’excuse qu’il n’existe aucun traitement rationnel du cancer. Au lieu que le mal de l’esprit (qui fut celui de notre Stupide) peut parfaitement se traiter par l’esprit. Conséquences du mal de l’esprit, les maux sociaux et politiques peuvent être vigoureusement conjurés ; et il faudra bien qu’ils le soient, si la France, et