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CONCLUSION.

autre, un orgueilleux onctueux et rusé ; celui-ci brandit un sabre ; celui-là, un bouquin ; cet autre, une formule chimérique, ou sceptique, ou une alternative pittoresque. Mais tous brandissent quelque chose : admonestation, mensonge ou menace ; tous prétendent, eux aussi, ériger leur point de vue en maxime universelle. Leurs apostolats, terribles ou ridicules, apparaissent, à distance, d’autant plus plats qu’ils les croyaient sublimes. Ces prétendus géants sont des nains, quant au bon sens, des nains agrandis par leur miroir ; et ce miroir fut leur époque. À chacune de leurs commémorations officielles (car le XXe siècle est encombré de ces douloureux centenaires) on pourrait apporter la liste de leurs ravages, moraux ou matériels… « Mais ils ne l’avaient pas fait exprès… Mais ils croyaient bien faire. » Précisément parce qu’ils étaient pleins d’orgueil, et parce que l’orgueil guidait toutes leurs pensées et tous leurs actes.

Une sixième objection, d’ordre moral, est tirée des nombreuses institutions charitables, qui ont pullulé dans ce siècle où la banque (c’est-à-dire l’exploitation légale d’autrui) a pris, par ailleurs, une importance de premier plan. Je réponds que ces institutions charitables, abondantes en effet et souvent ingénieuses, ont été, au XIXe siècle, plus tolérées qu’encouragées (quand elles n’étaient pas entravées, ou combattues) par l’esprit démocratique et les pouvoirs politiques. Il suffit de voir comment, de 1898 à 1906 et au delà (années décisives de défense républicaine) ont été traitées les bonnes