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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

Le pastorianisme a rencontré moins d’obstacles encore que le darwinisme. Comme il arrive dans les fortes poussées pithiatiques, quiconque se permettait le plus léger doute, au sujet des foudroyantes découvertes de l’excellent homme, même des plus hasardeuses, apparaissait comme de mauvaise foi, comme un insensé et un ennemi public. Peter, présentant quelques objections sérieuses et pesées, fut accablé d’imprécations et d’outrages. L’assentiment enthousiaste des savants, comme des ignorants, autour des thèses (actuellement plus que menacées) de Pasteur est comparable à celui qui environna Victor Hugo dans la seconde phase de sa vie. J’ai vu mon bien cher maître Tillaux trembler de vénération, en accueillant Pasteur qui venait à l’Hôtel-Dieu, comme je l’ai raconté, injecter son vaccin sauveur contre la rage à une douzaine de Russes, lesquels moururent enragés après le traitement. On dit alors que le traitement échoua, parce qu’ils avaient été mordus à la figure, ces Russes, et tardivement inoculés. Je pense qu’il échoua à cause de l’ignorance où étaient ces malades à demi sauvages de l’infaillibilité pastorienne. Un interne de service, s’étant permis un doute bien innocent sur l’efficacité du nouveau remède (histoire de renaniser dans les plates-bandes médicales), se fit rabrouer par Tillaux, comme un incongru.

Ce que l’on peut prévoir à coup sûr (d’après les leçons d’un passé récent) c’est que le jour où la bactériologie pastorienne s’écroulera, soit dans le coup de tonnerre d’une interprétation d’ensemble entière-