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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

nombre et à leur vitesse, et que, là comme ailleurs, la nature (aussi bien naturée que naturante, comme dit Spinoza) exige du temps et des délais, à la façon du mauvais débiteur.

Or, la précipitation est une caractéristique du XIXe siècle, au même titre que la timidité et l’infatuation ; et cette hâte, si préjudiciable aux travaux de l’esprit, comme à ceux du corps, augmente régulièrement de la cinquantième à la cent-quatorzième année de ce personnage séculaire. Puisque nous admettons que le XXe siècle commence en réalité à la formidable réaction de la première bataille de la Marne. Cette précipitation a eu un bon côté, en s’objectivant et en donnant les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les diverses télégraphies, les automobiles, les téléphones et tous les multiplicateurs de la vitesse. Elle a eu, mentalement, son mauvais côté, en donnant comme résolus, ou fort avancés, des problèmes encore dans l’œuf, comme parfaites et immuables des institutions détestables et des erreurs grossières, comme immortelles des réputations usurpées. La fabrication des fausses gloires est une industrie de ce temps morose, et dont témoignent suffisamment les vaines statues qui peuplent nos carrefours et les sots noms donnés à nos rues.

Qu’est-ce que la précipitation ? C’est d’abord la perte du rythme intérieur, qui permet d’approcher, dans tous les domaines, la vérité et la beauté. C’est, ensuite, un manque de vues générales. C’est, enfin, un effet de l’infatuation.