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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

cas entre une multitude d’autres. Le témoignage des sens, qui constitue l’expérience, ne vaut que par l’intervention de la raison et suit les vicissitudes de la raison, guide elle-même de l’imagination. Je pense fermement qu’un savant, qui a une doctrine préconçue, peut toujours instituer l’expérience démonstrative, qui viendra à l’appui de cette doctrine. Il y a, dans la vaste nature, des possibilités pour toutes les démonstrations, celles de l’erreur, comme celles de la réalité, celles du faux, comme celles du vrai. L’expérience peut être aussi suspecte que l’hypothèse. Les lévites du laboratoire doivent être surveillés. Il est des expériences de bonne foi, qui cependant trompent et mentent.

Le vulgaire s’imagine que les découvertes scientifiques sont soumises au sévère contrôle et à la critique des compétences. C’est inexact. Elles sont sujettes à des courants d’humeurs, ou à des préférences intellectuelles d’ordre général, qui poussent à les rejeter ou à les admettre, en affirmant qu’on les a contrôlées. Le génie de persuasion rend ces courants favorables et dissipe ou atténue l’esprit de contradiction, qui est une forme de la vigilance, une défense naturelle de l’esprit contre l’erreur par engouement. Les affirmations simplistes de Pasteur (une petite faune invisible, dévastant l’organisme humain, directement ou par ses sécrétions et ses déchets), produites avec une robuste et généreuse bonne foi et une ténacité paysanne, ont immédiatement conquis les imaginations paresseuses et matérialisées de son temps.