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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

méconnu, dans la personne de Mistral, lumineux effort de l’esprit d’oc pour arracher l’esprit d’oïl aux aventures… Mistral, ce soleil du bon sens, érudit, épique et lyrique !

Il est des questions, relevant de la sagesse, qu’on ne pose jamais, et qui cependant mériteraient d’être posées. Celle-ci par exemple : un savant, qui est aux bords d’une trouvaille positive, dont le méfait dépasse, à ses yeux, le bienfait, doit-il passer outre, négliger le point de vue moral, aller jusqu’au bout de son génie, sans se soucier des conséquences, ou doit-il sacrifier sa découverte dangereuse ? Par exemple Berthelot et les explosifs. Ne me dites pas : « Mais les explosifs sont indispensables à l’industrie moderne… » ni « un autre les aurait inventés plus tard. » Ce serait répondre à la question par la question. Je dis que cette vénération de la découverte, même plus malfaisante que bienfaisante, parce qu’elle s’appelle « découverte », est un legs de la sottise du XIXe siècle, dont l’humanité devra revenir, si elle veut survivre. Eh bien ! cette question du fas et du nefas, dans tous les domaines, elle est dans Gœthe et elle est, après lui, dans Mistral et dans Mistral seulement. Elle fait partie de la corruptio optimi ; de la grave question du pouvoir imaginatif, sans le contrepoids de la sagesse, ni de la prudence.

La plupart des découvertes scientifiques, qui ont successivement émerveillé la badauderie académique entre 1789 et 1914, sont comparables à un feu d’artifice, s’élevant au milieu des « oh » et des