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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

sur le plan où il les émettait, étaient aussi très prudentes. Je m’étonnais, étant son élève, des limitations volontaires qu’il apportait sans cesse à sa merveilleuse imagination clinique, et que d’autres considéraient comme un manque de génie. Je les comprends et je les admire maintenant. Il avait peur du séduisant invrai, de la forgerie spontanée, fascinante et arbitraire, et il avait fait, de sa timidité naturelle, un précieux contrôle de soi-même. C’était le temps où les méthodes et théories pastoriennes, entrant en gare dans la crédulité scientifique académique, faisaient un bruit du diable et bousculaient tout sur leur passage. M. Potain demeurait à leur endroit, attentif certes, mais réservé, comme il était demeuré assez réticent quant aux transports fictifs de la grande hystérie. En d’autres termes, M. Potain était un homme qui connaissait l’homme.

Il est bien entendu que jamais Pasteur n’a prétendu apporter un système, complet et définitif, de guérison de tous les maux humains contagieux, pas plus que Darwin n’a affirmé, en aucun endroit de ses ouvrages, la descendance simiesque de l’homme, pas plus que Claude Bernard n’a codifié le déterminisme, ni Galton l’hérédité. L’affirmation extensive, entêtée, césarienne de Charcot (si fortement marquée au coin du mauvais siècle) n’est pas leur fait. Mais ils ne se sont pas méfiés de leur temps, ni de leurs élèves, qui ont déifié leurs romans, et les ont rangés tout de suite dans la catégorie de l’absolu. Ils ne se sont pas méfiés de l’ambiance