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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

ne se laissent pas dépouiller de leur auréole sans crier.

Est-ce à dire que tout soit destiné à tomber à la fois, de ces méthodes thérapeutiques qui, aux environs de 1892, semblaient destinées à guérir rationnellement tous les maux humains contagieux ? Nullement. Il est très possible que le sérum de Roux, par exemple, continue à agir fort longtemps sur la diphtérie, comme il est possible qu’il perde, avec les années, de son efficacité, ou qu’il soit remplacé par un autre remède, issu d’une autre conception pithiatique, et paré des charmes captivants de la nouveauté. Le laudanum de Sydenham n’a pas perdu toute action contre la colique et la douleur en général, bien qu’il soit de moins en moins employé. La colchique agit encore, assure-t-on, sur la goutte, qui, d’ailleurs, tend à disparaître chez nous. On m’assure que la spartéine n’amende plus les troubles cardiaques, alors que la digitale continue à tenir bon. Notons qu’il s’agit ici de médicaments d’expérience, issus du long tâtonnement des âges, non de médicaments issus d’une théorie générale, et, comme tels, infiniment plus fragiles. Le traitement par les substances végétales, empiriquement choisies, dites « les Simples » est le modèle du traitement par persuasion prolongée et transmise de génération à génération, en quelque sorte traditionnellement. Il arrive que, transplantés de village en village, ces mêmes Simples cessent d’agir, ou agissent moins, de même que les sérums, d’une génération (trente ans) à une autre.