Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

rent l’emploi de panacées. Les mêmes personnes, qui administrent consciencieusement les sérums actuels, et qui ont bien raison de les administrer, puisqu’ils agissent ou semblent agir, rient de ces antiques remèdes de bonnes femmes. Mais il est bien certain qu’ils n’étaient pas, ces remèdes, à l’époque de leur vogue, moins efficaces que les sérums à la nôtre. Leur pouvoir théraporadiant était réel. J’ai connu, il y a quelques années de cela, un pauvre garçon atteint d’un cancer à la face, auquel furent faites, sur mon conseil, plusieurs applications de radium. C’était un de mes collaborateurs à l’Action française, il avait grande confiance en moi et j’avais eu soin de lui vanter (en m’adressant à son intelligence, qui était vive) la puissance d’action du nouveau remède, alors en pleine vogue. Les premiers résultats furent surprenants. En quinze jours, la tumeur, qui englobait, telle une pieuvre, la branche montante du maxillaire inférieur gauche et gagnait l’oreille, avait diminué de moitié. Le malade en crachait sans cesse des fragments mortifiés. Puis, au bout de ce temps, vers la sixième ou septième séance, un de ses amis, médecin, l’ayant rencontré, défit imprudemment mon travail pithiatique et lui démontra, par A plus B, que le radium était inopérant, dans les tumeurs en général et celles de la face en particulier. À partir de ce moment, l’action bienfaisante cessa net, le mal empira à vue d’œil et mon malheureux collaborateur mourut en quelques semaines, asphyxié par une projection cancéreuse laryngée. J’ai pu saisir là, sur le