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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

de sa volonté présidait à ses expériences, poursuivies lentement, patiemment, d’après une vigoureuse et nette idée préconçue. Dès la première heure, comme il arrive aux persuasifs de son espèce, il eut des dévots, des fanatiques, irrités contre ses contradicteurs, ou ceux qui seulement doutaient. Quand il tint sa conception microbienne, elle l’absorba tout entier et fit de lui un somnambule, un personnage en état second, en transe imaginative, tranquille mais drue, un aimant en marche. De même que les spirites convaincus finissent par soulever la table, à force de vouloir son soulèvement, et transmettent au bois leur désir ardent de lévitation, de même les premiers pastoriens, penchés sur leurs bouillons de culture, ayant au milieu d’eux leur maître fascinant, communiquaient à ces bouillons et courts bouillons une vertu curative, d’une durée moyenne de X années. Du moins, je suppose que c’est ainsi que les choses se sont passées. Les chroniqueurs assurent que du vivant de Sydenham, et encore plusieurs années après sa mort, son vin d’opium aromatisé (quel sale vin !) guérissait quantité de maladies. À toutes les époques, des remèdes nouveaux, administrés par des médecins célèbres, ou de mystérieux rebouteux, ont guéri de très nombreuses diathèses. Puis, dans d’autres temps, ou d’autres mains, ils n’ont plus rien donné. D’où le conseil ironique et sage : « Prenez-en, pendant que ça guérit encore. » J’ai terriblement peur que les petit jus de l’Institut Pasteur, si ingénieusement combinés, d’après une formule générale si sédui-