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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

Je me rappelle encore la solennité avec laquelle le professeur Charcot (qui avait pioché son schéma, certes ingénieux, mais vain, de la Cloche, jour et nuit, pendant un mois) annonça un jour à ses disciples que Nothnagel adhérait à la doctrine. Ce Nothnagel était un assez vague savant viennois, si j’ai bonne mémoire, demeuré rétif, pendant de longues années, à la sonnerie de l’antichambre, à la troisième frontale, à la définitive explication du langage articulé, et qui bouchait à lui seul le germanisme à l’admission de la merveilleuse découverte. Nothnagel une fois conquis, le reste de l’univers marcherait comme sur des roulettes. Quelque temps après, en effet, parut le livre où Nothnagel, faisant amende honorable, en remettait avec un zèle tout néophytique ; et distribuait, à tort et à travers, le long de l’écorce cérébrale, une multitude d’autres localisations normales et pathologiques, auxquelles n’avaient songé ni Broca, ni Charcot. Sacré Nothnagel, qu’est-il devenu ? Mort ou vif, je voudrais bien avoir de ses nouvelles, et savoir si ses doctes travaux ont rejoint, dans la barathre aux pseudo-découvertes, ceux de ses illustres émules français.

Les esprit simples s’imaginent qu’une aussi audacieuse affirmation que celle de Broca et de Charcot (et dont l’enfantillage et le sommaire, en une affaire aussi complexe que le langage, eussent dû sauter aux yeux) souleva, dès qu’elle apparut, mille critiques et réfutations. Quelle erreur ! L’autorité despotique des deux célèbres pontifes était