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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

dans son célèbre ouvrage Jude l’Obscur, un ouvrier courageux, opprimé et comme meurtri par les obscures chimères de son temps. Je pense que ce type est devenu extrêmement fréquent. Mais, quand nous en rencontrons un sournois, inquiet ou rageur (et ce personnage ne manque pas dans les grandes villes) nous devons toujours voir, derrière lui, la théorie des hauts pédagogues, des professeurs de Faculté et d’hommes de lettres et de médecins illustres, qui ont jeté sur lui la chape de plomb et fait son malheur intérieur. Le mal que causent, en se propageant, les grandes erreurs, est toujours descendant. Chaque âge a eu les siennes ; mais celles du Stupide ont trouvé un terrain exceptionnellement favorable à leur propagation, alors que les vérités, luttant contre ces erreurs, voyaient (par la politique révolutionnaire et libérale, la seconde pire encore que la première) se dresser contre elles mille obstacles. Les docteurs fols engendrent les primaires, auxquels il faut préférer, et de beaucoup, les illettrés complets. L’illettré sait qu’il ne sait rien (du moins de ce qu’on appelle le savoir) alors que le primaire croit qu’il sait tout. Le primaire est un produit du XIXe siècle et un élément de perturbation considérable. Il y a des primaires dans tous les milieux. On peut apprendre au contact de l’illettré, qui n’est pas forcément un ignorant, alors qu’il n’y a rien à apprendre du primaire.

La notion fausse de la prison héréditaire en est arrivée, en quarante ans, à oblitérer, chez beau-