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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

comme la principale force qui meut les êtres animés, et comme la génératrice de cette grande mémoire congénitale, dont la mémoire individuelle n’est qu’une subdivision. On pourrait dire, sans trop d’hyperbole, que l’hérédité c’est la mémoire. Elle est associée à la trame de l’être et souvent en lutte avec ce qui constitue sa personne, avec ce que j’ai appelé son soi.

Or, pendant tout le XIXe siècle, deux points (qui semblent aujourd’hui capitaux) ont été méconnus ou passés sous silence, dans l’étude de la transmission des caractères héréditaires : la partie non héritée de la personnalité, qui fait que celle-ci diffère essentiellement de ses ascendants ; le rôle de la reviviscence mentale héréditaire dans la faculté appelée imagination, et dans l’accord ou la lutte de celle-ci avec la raison. Ce sujet, si grave et important, se trouvait ainsi tronqué et diminué, et l’hérédité en était presque réduite au point de vue extérieur en quelque sorte, botanique, zoologique ou pathologique. C’est ainsi que Darwin, Galton et leurs émules et successeurs n’ont fait, à mon avis, que l’effleurer. On voit les conséquences : l’éducation exige une rectification constante des principes héréditaires défectueux. La volonté peut modifier les phénomènes héréditaires, en agissant sur les images intérieures. Enfin la liberté humaine est capable de surmonter, au prix d’un effort constant, ce qu’on a appelé la fatalité héréditaire, ce que j’appelle la mémoire héréditaire. Mais, du même coup, tombe le matérialisme commode, dont