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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

Enfin l’erreur ou l’infatuation évolutionniste, a donné à nos contemporains, pendant une cinquantaine d’années (L’Origine des Espèces est de 1859) l’illusion d’une métaphysique portative, d’une explication générale de l’univers inanimé et animé. Cette illusion convenait à la débilité mentale de l’époque. Mais, si tel est le déchet de ce que l’on pourrait appeler le réduit central, biologique et philosophique, du transformisme, on imagine ce que doit être celui de ses ramifications dans les diverses sciences et dans la critique. Avant d’écrire ces lignes, j’ai commencé par relire les œuvres et la correspondance de Darwin. Excellentes dans la constatation, ces pages célèbres, et qui eurent tant d’influence, deviennent moins bonnes et arbitraires dans l’induction, et tout à fait médiocres dans l’hypothèse ; car bien que l’auteur s’en défende, il verse assez souvent dans l’hypothèse. Hypotheses fingit. Il est entraîné hors de ses limites, un peu comme Claude Bernard, par une sorte de présomption intellectuelle, qui est spéciale au temps dont nous parlons. Il semble que l’outrecuidance littéraire et politique ait déteint sur les milieux scientifiques, et leur donne une hâte à conclure qui n’existait point précédemment.

Au reste, il est très faux que les savants (tout au moins ceux des sciences touchant à la vie) puissent échapper complètement à la subtile ambiance de leur âge. Il y a un air moral, comme un air physique, composé de besoin d’originalité et de besoin d’imitation, diversement dosés suivant les généra-