Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

séculaire de s’entretuer, qui tient les infortunés humains.

Seulement, alors que le perroquet ne répète que des lambeaux de phrase, avec sa frivolité rapide et nasillarde, nos perroquets à bonnets carrés, à toges ou habits académiques et mondains, ont répété les vingt-deux formules, qui sont rappelées à l’introduction du présent ouvrage. Ces vingt-deux-là et quelques autres, plus compliquées, tout aussi creuses. Quatre générations se les sont transmises, ces formules, avec une discipline et une soumission, un renoncement à la réflexion personnelle, qui n’ont peut-être jamais été égalés. Des Français de 1789 à ceux de 1848, de ceux de 1848 à ceux de 1871, de ceux de 1870 à ceux de 1900 et de ceux de 1900 à ceux de 1914, le stupide formulaire à rebours du sens commun n’a pas varié. Il est demeuré immuable au milieu des révolutions, des massacres, des incendies, des tourmentes de tous genres, légué par les pères aux enfants dans le même moule et les mêmes inflexions, à la façon d’un mot d’ordre, ou d’un mot de passe. Une étrange discipline de l’absurdité, sous-jaçente aux déclarations et proclamations émancipatrices et de prétendu libre examen, a mis dans les bouches de nos bisaïeux, de nos arrière-grands-pères, de nos grands-pères, de nos pères et de nous-mêmes (je veux dire de ceux de notre bateau) ces insanités stéréotypées, qui se sont traduites en lois et en mœurs, et nous ont menés là où nous en sommes, en ce bel an 1922 où j’écris : au ras de l’abîme.