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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

risques, soit que l’inoffensif ait plus de chances de durée que l’offensif. C’est ainsi que le simple passant, timide et désarmé, a plus de chances de circuler sans encombre que le sergent de ville armé et qui, d’après le struggle for life, devrait cependant l’absorber et le remplacer en dix années. Le papa Darwin semble avoir en outre (d’après sa correspondance elle-même) ce don mystérieux de persuasion ou, selon Babinski, de pithiatisme, dont on note aujourd’hui les saisissants effets. Il faisait aisément croire aux Polonius de son temps (académiciens, naturalistes, simples lecteurs) que le nuage était un chameau, une belette, ou réciproquement. Comme il arrive, en ces cas singuliers, les persuadés du darwinisme sont demeurés tels pendant une vingtaine d’années après la mort du maître, jusqu’à l’extinction du rayon persuasif, jusqu’à la montée vers la science d’une nouvelle génération, plus sceptique.

Nous avons souligné l’association amusante qui s’est établie entre la prétendue loi du transformisme et l’idée de progrès continu, dont se prévalent les révolutionnaires. On ne voit nullement pourquoi les transformations dues à la lutte pour la vie et à la sélection sexuelle présenteraient toujours, un avantage sur l’état antérieur. Les évolutions dommageables, régressives ou non, ne sont pas rares dans le monde animé : et, du reste, le critérium du progrès n’existe pas. Pour les primaires, le progrès c’est l’émancipation ; alors que le plus souvent, l’émancipation augmente les chances de destruction de