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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

génie). Ainsi conçu, le monde vivant est en augment et progrès perpétuel, les formes inférieures subsistant seulement comme témoins de ces modifications successives, avec disparition néanmoins de certains types transitoires, et par malheur les plus importants. Pendant soixante ans on a cherché l’intermédiaire obligatoire entre l’homme et le singe, l’anneau manquant ; on a assuré qu’on l’avait trouvé : on a démenti cette nouvelle mirobolante. Aujourd’hui, on commence à se rendre compte que l’énigme de l’origine des espèces, et, notamment, de l’espèce humaine, est toujours là, aussi complexe et troublante qu’avant Darwin et Lamarck, et que des analogies tout extérieures, anatomiques ou autres, ne sont pas des réponses définitives. Il est même curieux de voir à quel point les ressemblances, anatomiques et physiologiques, éclairent peu le mystère de la spécialisation et de l’individualisation de la vie. Celle-ci garde toujours son caractère explosif, son aspect de feu d’artifice, de déflagration de fonctions et d’organes de types déjà connus, manifestement héréditaires, mais autrement agencés. On remarque toujours en elle un variable qui paraît transmissible, et un invariable qui ne le paraît pas. Ce qui laisse supposer que nous sommes à la fois soumis à beaucoup de forces latentes, agissantes et ignorées de nous ; et, en même temps, libérés de ces forces, dans certaines circonstances, également inconnues ; et que cette oscillation de l’individuel au spécifique, et de la détermination à l’échappement, obéit elle-même à une sorte de rythme supérieur, et