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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

modeste, il se tut, laissant se déchaîner la sarabande. Chez nous, il fit, pendant quarante ans, partie du régime gras du vendredi saint. Comment n’appellerait-on pas stupide un tel abus de l’aimable roman scientifique, que l’auteur de l’Origine des Espèces a édifié sur ses sagaces et lentes observations, et qui emplit soixante années de ses répercussions inattendues, à travers l’échafaudage branlant d’Auguste Comte. L’alliage du transformisme dogmatisé et du positivisme mal compris est un des monstres les plus réjouissants de l’entre-deux guerres, qui va de 1870 à 1914. Nous lui devons, en politique, l’essentiel du programme radical. Car on sait que Spencer a échafaudé de réjouissants principes politiques, correspondant à ses principes de biologie et de sociologie, aussi vains les uns que les autres.

L’axiome fondamental de l’évolutionnisme ou transformisme, c’est qu’il n’y a ni saut ni hiatus, dans la nature, conséquemment point de miracle, ce dernier terme étant compris dans son sens le plus étendu de phénomène soudain, inattendu, échappant aux lois ordinaires. C’est la condition première du roman, qui part des gelées marines, du Bahhybius Haeckeli, pour aboutir à l’homme, par une lente modification des cellules et des tissus, sous l’influence double d’une certaine force de propulsion interne (sur laquelle on n’insiste pas) et d’agents extérieurs, complaisamment énumérés. Cette chaîne des espèces (philogénie) se reproduit, avec des abréviations considérables, dans le développement de l’individu (onto-