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DOGMES ET MAROTTES SCIENTIFIQUES.

de ses limites, sinon de sa fragilité, que ses illustres imitateurs et successeurs anglo-saxons. Mais chose étonnante, en dépit de tous les efforts faits pour réparer l’injustice, Lamarck, précurseur de Darwin, a toujours été tenu à l’écart, en parent pauvre, du triomphe, hélas éphémère, du transformisme. On ne l’a invité, ici et là, à la noce que pour le mettre au bout de la table. La raison en est que Lamarck n’ayant pas écrit la Descendance de l’homme, n’était pas utilisable, par l’anticléricalisme à la mode en 1875, de la même manière que Darwin. Ce qui a fait, chez nous, la vogue de Darwin, c’est la simiesquification de l’homme, si j’ose employer ce néologisme. La théorie, aujourd’hui reconnue grotesque, d’après laquelle nous descendrions du singe, a enchanté les innombrables ennemis que Dieu comptait en France, à l’époque précitée, et qui ont fait encore des petits, jusqu’en 1914. L’analogie, prise pour la cause, est, en science, une erreur courante. Elle se donna libre carrière avec les laissés pour compte du transformisme.

Il est arrivé à Darwin cette double catastrophe, d’abord d’avoir dans Spencer un émule de seconde zone, un succédané prétentieux, extensif et vide, ensuite d’avoir, dans Haeckel, l’outrance et la caricature germaniques de ses très intéressantes constatations. Cet imaginatif scrupuleux a pâti du médiocre logicien qu’était Spencer et du maboul effervescent que fut Haeckel. Il commença par protester faiblement contre l’abus qu’on faisait de ses travaux et les hypothèses hasardées ; puis, étant