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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

fiant (au point de vue des conséquences politiques) en face de la propagande libérale des salonnards. Il y a toujours de la ressource avec une tête non meublée, ou meublée de simples manuels. Avec une tête qui se croit meublée, et qui l’est en effet d’idées fausses, il n’y a plus aucun espoir d’amendement. Seule, la dérision est ici de mise, qui substitue, à la peur du vrai, une peur plus grande : celle du ridicule. Quand vous rencontrerez, par hasard, un résidu des Droits de l’Homme et du XIXe siècle, sous les auspices d’un salonnard, n’essayez pas de le convaincre ; fichez-vous de lui hardiment, et abondamment. Il faut sarcler l’ivraie et la cuscute.

Du plus lointain des âges, l’esprit, ce grand antidote de tous les poisons intellectuels et sociaux, courait à travers le peuple français, du modeste artisan jusqu’au Roi. L’esprit est dans les fabliaux, sucrés par lui comme les grappes de raisins, aux grains drus, de nos coteaux ensoleillés. L’esprit est dans les lettres du roi Henri IV, esprit léger, se raillant soi-même, et mesurant le rire à la grandeur. L’esprit est le compagnon hardi de l’héroïsme, de la colère, du repentir et du pardon. Il adoucit les feux de la haine, et ceux, mêmement embrasés, de l’amour. Il prévoit et pare les contre-coups et chocs que toute action décisive déchaîne contre celui qui vient d’agir, et dont le pire est l’à quoi bon. Car il blague jusqu’au scepticisme, dangereux dès qu’il devient solennel, et qu’il fleurit en docteurs et en sentences. L’esprit français n’est pas seulement un redresseur de torts. Il est un avertisseur et un guide.