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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

torches et qui met le feu aux châteaux. C’est une illusion, bien entendu : le suffrage universel institue, dans le pays où il sévit, un désordre et un désarroi permanents, qui favorisent la violence, au lieu de l’atténuer. Je dirai avec M. Prudhomme (que je préfère, entre nous, à Vallès) que cette prétendue soupape est un brandon. Mais cette fleur de libéralisme que l’on appelle le salonnard, gémissant sous des maux dont il vénère les causes, se repaît d’illusions, de nuées, de vent. La foule, est à ses yeux, un monstre hurlant et irrésistible auquel il s’agit de jeter de fausses nourritures, afin qu’elle ne mange point les classes possédantes. L’homme de génie est un monsieur qui détient un garde-manger de ces fausses nourritures. De temps en temps, quand la foule devient méchante et que l’occasion de lui infliger une bonne leçon est propice, on peut faire appel à la force vraie. Thiers prendra alors la place de Victor Hugo et de Michelet. La popularité de Thiers chez les salonnards, après la Commune de Paris, a été aussi grande que celle de Galliffet. Attirer les gens par des concessions calculées, des reculades successives, puis tirer dessus et taper dans le tas, cela est de la grande politique et le fin du fin de la démocratie !

On a beaucoup joué de la foule, de la masse, de 1789 à 1914, de ce qu’on affirmait être ses aspirations, ses désirs, ses volontés, ses saintes colères, son délire sacré, etc. Il y a foule et foule. Celle que le romantisme, le libéralisme ont déifiée, parallèlement à l’homme de génie, c’est la foule politique,