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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

badauds, à l’aide de phrases sonores et de rimes alternées, est quelque chose de dégoûtant et qui rend honteux. Le manque de tenue devant la Camarde est le pire de tous, et l’acceptation de l’inéluctable devrait s’enseigner de bonne heure aux enfants, avec la façon de lire et de manger.

Quiconque meurt meurt à douleur.
Celui qui perd vent et haleine,
Le fiel lui tombe sur son cœur,
Puis sue, Dieu sait quelle sueur !

dit sobrement François Villon…, et il court à d’autres exercices. Est-il sottise plus grande que de passer le bref temps de la vie à conjecturer et lamenter la mort, et n’y a-t-il pas plutôt une curiosité, attenante à ce moment de passage, que nous devrions cultiver en nous ? Puis après pareilles guerres, semblables holocaustes et le peuplement de tant de cimetières, de fossés et de champs convertis en cimetières, quelle surpuérilité ridicule que cette plainte, que cette inquiétude, que cette angoisse ! En vérité, il est temps de fermer le vocero du cercueil qui vient et de chercher d’autres sujets d’élégie que celui de notre propre anéantissement. Depuis quelque temps, je juge un poète (hors de son rythme et de son élan) à la façon dont il prend bien la mort. Tel Mistral, dans les Olivades, conjecturant avec sérénité son tombeau et l’évanouissement progressif de sa gloire. Qu’il s’estime heureux, celui qui n’est pas mort d’une balle au front, obscurément, de 1914 à 1918, et qui peut encore manger la soupe baudelairienne, « au coin du feu,