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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

des salonnards. La Cour de Louis XVI en était infestée. Le venin des Droits de l’Homme et du citoyen (évangile falot du Stupide) les intoxiqua tout d’abord. Par eux, ces misères, lourdes de sang, descendirent dans la bourgeoisie haute et moyenne et, de là, dans les rangs, encore peu nombreux, des artisans. C’était avant que la grande industrie (tombant sur la terre de France, au moment même où la politique jacobine abolissait les corporations et privilèges, et nivelait le pays) coïncidât avec l’ouverture des écluses du prolétariat. Il y eut là une de ces catastrophes, lentes et presque invisibles si, ce n’est pour un de Maistre, un Bonald un Le Play, qui précèdent la catastrophe à grand spectacle. La Terreur fut, indirectement, une conséquence de l’emballement des salonnards pour Rousseau. Jules Lemaître l’a solidement établi dans ses conférences sur l’auteur du Contrat Social. Non instruits par l’expérience (ce qui est une des caractéristiques de l’inintelligence) ces mêmes infortunés adhérèrent en foule au libéralisme, ensemencé par les Girondins. Ils devinrent ainsi le vaste bouillon de culture de toutes les épidémies mentales et politiques, littéraires et philosophiques, que nous avons passées en revue et dont le démocratisme fait la synthèse.

La société polie, aristocratie réelle et donc intellectuelle, maintenait chez nous, aux siècles antérieurs, l’équilibre par le bon sens. Les salonnards, remplaçant la société polie, instaurèrent aussitôt le culte de deux fétiches aux ravages incalculables : l’homme dit « de génie » et « la foule ».