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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

jacobins et autres révolutionnaires, en veut mortellement à quiconque attaque ses ennemis et détourne de lui leur attention. Le centre est plus effrayé et indigné par une manifestation de force, venant de droite, que par une manifestation de violence venant de gauche. Il tient à bien faire constater qu’il n’est pas avec ces « énergumènes » de droite, qu’il prétend confondre avec ceux de gauche, mais qu’en fait il déteste bien davantage.

À quoi cela tient-il ? À la disparition progressive de la société polie, qui faisait non seulement le charme, mais la force et l’originalité de l’esprit français, avant le chaos révolutionnaire et libéral. À cette ascension trop brusque du parvenu de la classe bourgeoise, que Bourget a exposée dans l’Étape, livre égal aux plus grands de Balzac. Au remplacement de cette société polie (qui connaissait ses travers et en riait) par le grave et sentencieux salonnard. Les gens frivoles sont les mêmes à toutes les époques. Mais les gens sérieux, quand ils n’ont rien dans la tête, sont un danger. Ils le sont davantage encore, quand ils manquent de cette logique inébranlable, jointe à l’esprit de détermination, que l’on appelle le caractère.

Molière, écrivant son Misanthrope, le montra aux prises avec la vantardise, la sottise et la frivolité. Le véritable salonnard (que ne pouvait connaître Alceste, attendu qu’il n’existait pas encore), et qui est tout l’opposé de l’aristocrate, joint la débilité de l’âme au sérieux. Les premiers admirateurs et propagateurs des doctrines terribles de Rousseau étaient