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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

leur tour, brimer et molester. D’où un sadisme sénile-académique qui mériterait une étude à part.

Il est arrivé, au XIXe siècle, que le terme d’académique a donné lieu à confusion avec celui de traditionnel, ou de classique, et que la tradition littéraire et l’art classique ont ainsi subi le contre-coup et porté le poids du discrédit académique. Désireux de réagir contre les règles absurdes et les canons médiocres imposés par l’esprit académique (où voisinent la routine et l’envie), des hommes de grande valeur ont vitupéré, par erreur, contre la tradition et le classicisme, qui n’ont rien à voir avec cette routine. Il en est résulté des dévoyés, ou de vaines outrances, aussi des confusions fâcheuses. Si l’on considère, par exemple, les Beaux-Arts, des artistes délicieux et puissants et parfaitement classiques (au sens élevé du mot) tels que Manet, Monet, Renoir, Cézanne, Carrière, par exemple, ou en sculpture, Rodin, ont été méconnus, raillés, engueulés, combattus, au nom de prétendus principes traditionnels, qui n’étaient que de sales et mornes poncifs et conventions d’Académie. Injustice qui a fait souvent tenir à ces grands artistes, légitimement irrités, des propos révolutionnaires, d’ailleurs parfaitement idiots ; car la sottise provoque la sottise. Mais ce n’étaient pas eux qui avaient commencé. On se demande aujourd’hui, quand on contemple une toile de Manet, de Monet, de Renoir, de Cézanne, de Carrière, un buste ou un monument de Rodin, ce qui pouvait étonner les visiteurs des anciens salons et adversaires acharnés de ces maîtres. Ce manque