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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

On a pu écrire plusieurs volumes sur les bévues de l’Académie des Sciences, dont les comptes rendus manifestent d’ailleurs un vide, d’année en année plus effrayant. Les bévues sont de tous les âges. Mais l’Académie des Sciences leur confère une solennité et une durée, qui peuvent avoir, à une époque férue de science, de détestables conséquences. On doit distinguer, au sein de cette vaine et illusoire compagnie, deux mouvements de sens contraire et également absurdes : l’un réflexe, de misonéisme, qui la pousse à mépriser et à rejeter toute initiative originale et toute personnalité puissante ; l’autre, ultérieure, d’engouement, qui lui fait accueillir et chérir ce qu’elle chassait la veille, avec un enthousiasme et une ténacité exagérés. De sorte que ses décisions et préférences oscillent entre les deux pôles de l’erreur qui sont, en science, de rejeter trop vite, ou d’adhérer avec trop d’entêtement.

J’ai assisté de près à de nombreuses brigues pour l’Académie française et pour l’Académie des Sciences et j’en ai conservé à la fois un souvenir amusé et écœuré. Il est étonnant que des hommes d’un certain âge et d’un certain poids se soumettent à d’aussi humiliantes démarches, ou acceptent d’être confondus avec la tourbe de faux lettrés et de faux savants, qui encombre ces prétendus sanctuaires des Lettres et des Sciences. Une fois admis, après bien des rebuffades, et pleins de rancœur, ces gens de valeur prennent en grippe les collègues qui les ont ainsi humiliés et ne songent plus qu’à se venger d’eux, ou à susciter des candidats qu’ils pourront, à