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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

teur qui en bénéficie. Je n’aurais jamais pu me résoudre à rencontrer, même une seule fois par mois, un vieux raseur carabiné comme F. Masson, ou un pendu gelé, comme de Régnier, ou un détritus de la politique respubliquaine comme Hanotaux. À la Chambre, le contact avec les adversaires est tolérable parce qu’on a le loisir de leur jouer des tours et de leur parler franc. Mais, à l’Académie, la courtoisie et la bienséance étant de rigueur, il est interdit de se manger le nez, ou de mettre de la poudre à éternuer dans les pots de vin. Alors bonsoir ma vieille ! C’est ce qui me permet d’écrire ici ce que tant de gens pensent et disent tout bas : à savoir que l’institution académique, école de servilité dans tous les domaines, est, présentement, plus nuisible qu’utile aux lettres françaises.

Elle est nocive, comme maison de refuge et de respectabilité pour politiciens fatigués. Elle est nocive comme incitant à la littérature fade et neutre, où se complaît le libéralisme. Elle est nocive, comme visant à créer artificiellement des écrivains de seconde zone, les non-coupolés, auxquels les coupoles imposeraient, s’ils en avaient le courage, des règles absurdes et une mauvaise syntaxe. Elle est nocive enfin, et au résumé, comme fausse élite. Car, si le manque d’élite est funeste, et contribue au désordre social, le simulacre d’élite ne l’est pas moins. À un moindre degré (parce que jouissant d’un moindre relief de vieille réputation) l’Académie des Sciences et celle des Sciences morales participent des défauts et verrues de l’Académie tout court, au XIXe siècle.