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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

mura : « Elle se fout de nous, ça c’est bien vrai ; mais elle est la seule qui ne nous dise point des mentelies. » Ceci pour vous montrer que bien des académiciens ne seraient pas dignes de chausser les sabots d’Émile, ces sabots dont le bruit rythmique, sur la terre dure, annonce que le gel est prochain.

Académiciens, académies ! Ces mots ont bénéficié, au XIXe, de l’atmosphère de crédulité qui s’attachait aux autorités littéraires et scientifiques, remplaçant, ou prétendant remplacer l’autorité politique royale et le dogme religieux. Le respect légitime et la vénération traditionnelle, en se retirant, s’attardaient encore à quelques institutions, perdues dans la démocratie comme des pilotis dans la vase et, en s’y attardant, s’y cramponnaient. Spectacle navrant, bien connu des naufragés et aussi des naufrageurs, qui en bénéficient et s’y complaisent. Spectacle comique aussi, en un certain sens, car le révolutionnaire assagi, qui est accueilli à bras ouverts par une docte compagnie, ou un conseil d’administration, est demeuré un type classique et dégage une gaieté de bon aloi. Le XIXe siècle est l’enterrement de ce qui avait fait, pendant tant de siècles, l’honneur et la force de la France, mais un enterrement comportant, parmi ses pleureuses, un certain nombre de rieurs, auxquels on ne saurait en vouloir de leur vengeresse hilarité.

Un personnage de l’Immortel (le célèbre roman d’Alphonse Daudet) déclare, à un moment donné, que « les corps constitués sont lâches ». Ils sont tels, en effet, quand ils n’ont point le grand arc--