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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

L’infatuation du XIXe siècle en général (et qui dépasse même celle des encyclopédistes de la fin du XVIIIe siècle, dont elle est issue), m’apparaît comme un legs de la Réforme et un épanouissement de l’individualisme. On la trouve aussi bien dans les académies, qui se dépouillent de leur substance et abandonnent le labeur, et même la politesse intellectuelle, pour le décorum, que dans les cénacles littéraires. Seule y échappe une savoureuse bohème de lettres, d’arts ou de science, méconnue par les contemporains, et qui sauvera la cause de l’originalité. Le poncif est de tous les temps, mais celui qui s’étend de 1830 à 1900, sous des déguisements successifs, avec une même candeur, est un poncif doctrinaire et pompier, d’une fibre, d’une qualité unique, car il prétend à l’innovation, à la singularité, à la hardiesse.

En voulez-vous quelques spécimens, résumés en quelques propositions ? Il n’y a que l’embarras du choix, et cent devises de néant (dont chacune pourrait servir d’épigraphe à un chapitre du présent ouvrage) résument cent années de discours, discussions, palabres, poèmes, romans, journaux, critiques et considérations philosophiques, dont le fatras remplirait dix bibliothèques de la contenance de celle d’Alexandrie. Car tout le monde prétend plus ou moins à écrire, résumer, juger, expliquer son propre caractère ou celui d’autrui, ou libérer ses humeurs, où améliorer la Constitution. Le bavardage n’est pas seulement sur la langue ; il est dans la plume, où des poétesses, volontairement