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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

romantique, et qui fut aussi celui de Zola : « Les bourgeois me ménageront toujours et je n’ai rien à craindre de leur triomphe, en cas de guerre civile. Prenons donc une assurance du côté du prolétariat, et de ses meneurs. » Il serait fâcheux qu’un calcul analogue pût être attribué à Anatole France.

C’est un sujet d’étonnement, pour qui réfléchit, que cette confiance imperturbable des milieux ouvriers, tant de fois dupés, dans leurs chefs suspects, que leur manque absolu d’ironie, en présence de toutes ces carrières politiques faites sur leur dos et à leur dépens. C’est leur forme de stupidité à eux, plus excusable que celle des bourgeois, parce qu’elle ne repose point sur un monceau de diplômes, et de certificats et attestations de clairvoyance et d’intelligence. L’ouvrier est, avant tout, sentimental, et il souffre de revenir sur un enthousiasme, par lequel.il s’abandonne à son guide, à son maître, à son docteur. Admettre que celui-ci s’est moqué de lui, servi de lui, l’a berné, lui apparaît comme une diminution personnelle. Acculé à la constatation il se dérobe par la colère, il ne se libère point par le rire. Au lieu que le paysan rit de tout, et, pour commencer, de lui-même. Il rit du deuil et du malheur d’autrui. Il va jusqu’à rire de sa propre mort. C’est qu’il vit dans le contact immédiat du maître des maîtres, de la nature, qui apprend à se soumettre, à se démettre et à se gausser (humaine revanche) des maux auxquels on ne peut se soustraire.

Le résultat, c’est que la famille et les mœurs