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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

pure et simple pour défricher les sentiers, ardus et contournés, de la vie normale. Il s’agit d’un viatique et non d’un thème de discussion préalable. Il s’agit de guider, non d’égarer.

Ces vérités si simples, les politiciens protestants et kantiens, maîtres de la politique française, ne voulaient pas même les entrevoir, parce qu’elles auraient gêné leur guerre religieuse. Quant aux gens d’Académie et de Faculté qui les entrevoyaient, ils n’osaient les proclamer, dans la crainte, soit de perdre leur avancement et de s’attirer des ennuis universitaires, soit (et surtout) d’être qualifiés d’esprits rétrogrades et réactionnaires par des crétins entre les crétins.

Il faut se rendre compte de ce qu’était le célèbre Gambetta, ce rhéteur génois, dont la finance juive et le dogmatisme huguenot avaient fait un demi-Dieu, après Sedan, et qui proféra la phrase décisive : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » La Providence a permis que je le visse de près (car il fréquentait chez mon père et dans notre milieu), à l’âge où les impressions sont vives et souvent justes. Gambetta formait le type complet du bohème intelligent, roublard et hâbleur, pilier de café, au quart instruit, demi-improvisant, apte à pomper l’interlocuteur et à lui resservir ses propres arguments, tel que l’avaient formé les dernières années du désarroi impérial et les échevelés du Parnasse. La fortune d’un tel touche-à-tout dans le régime des assemblées est certaine. Il apparaît comme un génie encyclopédique aux regards des timides provinciaux,