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AVANT-PROPOS EN MANIÈRE D’iNTRODUCTION.

il demeure là, au même point, immuable, béat et réjoui, comme un âne assis dans une mare ; et il s’admire et il se mire, et il convie les passants à le célébrer et à l’admirer. Lisez l’Avenir de la science de Renan, déjà nommé, qu’il appelait son « encéphalite » et trouvait manifestement un bouquin rare et hardi, et qui nous apparaît aujourd’hui comme une prud’homie sans nom. Lisez la burlesque correspondance du bon Flaubert, boule de jardin, où apparaissent, grandies en tous sens, toutes les sottises et niaiseries de son époque. Le plus drôle, c’est qu’il crut condenser sottises et niaiseries dans Bouvard et Pécuchet, morne recueil des fantaisies de deux imbéciles, alors que sa correspondance est un compendium beaucoup plus sérieux (et donc beaucoup plus comique), de néoponcifs autrement dangereux. Flaubert était trop ouvert à la sonorité des mots pour ne pas se griser du romantisme, lequel est lui-même l’exaltation des parties basses de l’humanité, aux dépens de la divine raison. J’ai vu, jadis, dans un jardin, un massif de roses admirables, et d’un coloris surprenant, dont le parfum grisant était contrarié et troublé par une autre odeur indéterminée. Le propriétaire de la roseraie se demandait s’il y avait, là derrière, quelque bête crevée. Non de bêtes puantes, mais d’une fosse d’aisance, jadis opulente, puis désertée et dont subsistait le fade souvenir. Là m’apparut l’image du romantisme, qu’inauguré la lyre de René et qui, finalement, s’incarne en Zola. Toute redondance verbale aboutit à l’instinct.