Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

avec une perversité raffinée. Là comme ailleurs, le libéralisme imbécile, dont les méfaits « a stupiditate » ne se comptent plus, vint en aide au Procuste de Sem, qui coupait en deux les petits Français, rejetant du côté du père et des grands-paternels le tronçon n° 1, du côté de la mère et des grands-maternels le tronçon n° 2. La stérilité, et donc l’extinction familiale française, étaient dans les vues de ce hideux messianique, véritable assassin de la famille de chez nous. Là, Drumont seul y vit clair : mais, dénonçant le mal, il n’indiqua que des remèdes vagues. C’était un grand génie de bibliothèque, qui n’avait aucune partie d’homme d’action. Dans son beau livre sur l’État et la Natalité, un des plus profonds et lucides esprits de notre génération, le marquis de Roux, envisageant les rapports du divorce et de la dépopulation progressive, note qu’en 1883, la dernière année avant le vote de la loi Naquet, il y avait eu en France 2806 séparations de corps, alors qu’en 1913 il a été prononcé 15261 divorces. Mais ce n’est pas tant le divorce accompli qui combat la natalité, que la possibilité de recourir au divorce, que l’instabilité du mariage, rapprochant celui-ci de l’union libre, où la stérilité est la règle. En outre, les enfants de divorcés, se rappelant leur condition malheureuse, redoutant de la renouveler pour leur descendance, auront une tendance naturelle à restreindre la natalité. Ils ne retiendront du mariage que le plaisir ou l’intérêt immédiat, sans reconnaître son but essentiel, qui est le foyer et la continuation familiale.