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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

Par là-dessus, est arrivé le divorce, qui, dans les circonstances les plus favorables, fait de l’enfant un petit paria moral, déchiré entre des tendances contraires. Ceux qui gémissent sur la diminution de la natalité, tout en respectant le divorce, me font penser à des gens qui, trempant leur soupe au curare, se désoleraient d’être paralysés. Il faut savoir ce que l’on veut : ou la liberté de rompre le lien conjugal et de faire du mariage une simple coucherie, avec les suites que ce mot et cette chose comportent ; ou le maintien du lien conjugal, qui comporte naturellement quelques servitudes, et le maintien concomitant du lien familial. C’est d’ailleurs une singulière illusion d’optique que de penser que le célibat (non religieux), procure plus de liberté que le mariage. Il n’est de vraie liberté, intellectuelle et morale, que dans une règle et une discipline. Les pires servitudes guettent le célibataire. Il finit en général par épouser sa bonne, et à un âge où il n’a plus à attendre de celle-ci que les humeurs, sans le plaisir. J’en sais de tragiques exemples. Peu à peu l’on a remarqué que le divorce, considéré comme sujet de vaudeville, était plutôt un sujet de drame. J’ai écrit le Partage de l’Enfant, en m’appuyant sur la déchirante réalité, et ce livre, d’abord presque inaperçu, a fait ensuite son chemin en profondeur. Les enfants du divorce, devenus hommes et femmes, ont pris en haine la cause de leur infortune juvénile. Enfin le divorce, qu’on croyait destiné à diminuer le nombre des crimes passionnels, les a, au contraire, multipliés.