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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

famille pour se concentrer sur l’individu. Le XIXe siècle est antifamilial en France : grande et triste nouveauté qui devait aboutir, en fin de compte, à une effroyable et progressive diminution de la natalité française. Car la baisse de la natalité est la conséquence directe, le symptôme ultime de la décadence familiale, de ce que j’appellerais : la rupture du toit.

Les choses ont cheminé lentement, en raison des fortes assises que l’esprit familial avait chez nous, et qu’il devait à la ruralité. Qu’est-ce que la ruralité ? C’est la coutume issue des travaux des champs, de leur ordre et de leur méthode. Notre pays, au temps de sa grandeur (qu’il lui appartient de récupérer) se répartissait en ordres religieux et en familles, représentant le spirituel et le temporel. Les Ordres s’alimentaient dans les familles et leur dispensaient, en échange, ces principes directeurs que rien ne remplace et qui constituent, si l’on peut dire, la métaphysique courante de la vie. L’enfant était d’abord une bénédiction et une joie, puis un aide et une grandeur. Il n’a jamais cessé de l’être, en même temps qu’il est, pour ses parents, une école de patience et de fermeté. Mais le père de famille, frappé et molesté par des lois iniques et aveugles, a cessé de le comprendre et de le sentir. Il n’a plus vu dans la paternité qu’une charge, une complication, une inquiétude d’avenir. L’avortement politique est à l’origine de l’avortement tout court. Là stérilité volontaire politique est à l’origine de la stérilité familiale tout court.