Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

contrer la personne divine, ou son reflet dans la conscience humaine, qui est la responsabilité directe. Lus de ce point de vue, ces philosophes sans philosophie (car il n’aime point pour de bon la sagesse, celui qui s’arrête en chemin), ces hésitants, effrayés et abouliques, excitent un rire d’une qualité supérieure. Je vous recommande la correspondance falote de Renan et de Berthelot. L’esprit borné, fanatique et buté de Berthelot (dès qu’il sort de ses oignons, c’est-à-dire de la chimie, de la chaleur et des explosifs) voudrait en vain entraîner le souple Renan dans des voies introspectives, dont Renan, ancien clerc, flaire le danger et devant lesquelles il renâcle. Claude Bernard aussi est bien inquiet, le cher homme, quand, au delà du foie et de son sucre, du cerveau et de la distinction des nerfs sensibles et des nerfs moteurs, il aperçoit une sorte de lueur, qui n’est pas de pure phosphorescence. Vite, il se détourne et s’enfuit. Il n’est presque pas d’esprit prétendu libre, en cette époque si profondément timide, chez qui ne se remarque, plus ou moins dissimulée, tacite ou arrogante, cette panique du divin. Les théologiens n’avaient pas les mêmes transes, certes, vis-à-vis de l’incrédulité, et ils vous l’empoignaient hardiment.

La méconnaissance des effets, dans leurs rapports avec les causes, m’objecte quelqu’un, c’est absurdité, plus que stupidité. Sans doute, mais, dans le fait d’être absurde, il subsiste une possibilité, une notion d’énergie. Au lieu que le XIXe siècle se complaît dans ses insanités. Étymologiquement, « stupet » :