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DÉCADENCE DE LA PHILOSOPHIE

mentionne ici que comme un symptôme d’abêtissement par la fréquentation intensive du mauvais génie de Kœnigsberg.

Nous avons vu, pendant la guerre de 1914-1918, plusieurs critiques, désireux de faire preuve de largeur d’esprit, et qui s’écriaient : « Respect à Kant et à Goethe, ces grands Allemands ! Honneur à eux, par-dessus les hécatombes ! » Il y là une ridicule confusion et une injustice. Goethe, étincelant et froid soleil, est, en effet, un de ceux qui ont le plus honoré l’humanité et la culture générale. Kant n’est qu’un maître d’erreurs. Son doute, liminaire et injustifié (quant à l’adéquation de l’objet et de l’entendement qui perçoit l’objet), rend toute démarche du raisonnement impossible ; puisque, d’après lui, nous ne pouvons saisir que des ombres. Il aboutit proprement au néant et fait de son zélateur un captif.

Quant à l’évotutionnisme (dont Herbert Spencer est le docteur encombré), après avoir régné parallèlement au kantisme, dans l’enseignement français, pendant trente ans et davantage, il est aujourd’hui agonisant. C’est le sort commun de toute soi-disant philosophie, qui repose sur une hypothèse scientifique. Le jour où cette hypothèse moisit et se détache, comme les camarades, elle entraîne le système avec elle. Les différenciations, les intégrations, les allées et venues du simple au complexe, et du complexe au simple, qu’avait échafaudées le bon Spencer, sont comparables à une monnaie qui n’aurait plus cours. Ses traductions sont aussi démodées que les assignats révolutionnaires. Ce n’était pas la