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DÉCADENCE DE LA PHILOSOPHIE

serrure, au lieu d’en finir en enfonçant la porte.

Que le kantisme soit le père du modernisme, voilà ce dont on ne peut douter ; et il est presque banal de le constater. Mais, sur le plan de la philosophie sans plus, les ravages du kantisme sont encore maintenant ou niés ou méconnus. À partir de notre défaite de 1870, ce damné criticisme a été le maître chez nous de l’enseignement philosophique et il est descendu, de la Sorbonne et des Académies (où il était un dogme, et, associé au renanisme, le dogme de l’incrédulité), vers l’école primaire, y dissolvant toute foi religieuse ou nationale, et, par voie de conséquence, toute énergie. La philosophie de Kant a agi chez nous, pendant cinquante ans et davantage, à la façon d’un poison. Elle n’aurait pas rencontré cette audition sans notre défaite, qui la para, aux yeux des faibles (c’est-à-dire de la plupart des professeurs de Faculté) du prestige fascinant du peuple vainqueur. C’est tout juste si Renan et les renaniens ne nous montrent pas, dans le criticisme, la véritable raison du triomphe allemand de 70.

J’apporte ici le témoignage d’un fort en thème, d’un homme qui pendant l’année scolaire 1884-1885 (classe Burdeau de philosophie B) a remporté, à Louis-le-Grand, presque tous les premiers prix. Je n’en tire aucune vanité. Cela tenait à ce qu’imbibé de kantisme, je comblais ainsi les vœux de notre maître, grand travailleur, cœur ardent, esprit faux et qui sombra dans les abîmes de la politique républicaine. Burdeau (pour qui j’avais cette admiration passionnée qu’ont les bons élèves pour leur