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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

de l’instinctif, qui est une caricature de cette recherche, et ne peut aboutir qu’à un verbiage. À l’autre pôle, celui de la sécheresse, nous avons le mathématisme d’un Cournot, qui aboutirait, en dernier ressort, à faire de l’âme humaine une équation. Ce qui est faux.

Le marasme philosophique de l’époque plate et veule que nous étudions tient en ces deux termes : criticisme et évolutionnisme. Il faut en ajouter un troisième, d’invention relativement récente et qui sévit surtout en Amérique : le pragmatisme ou pluralisme. Mais, ce dernier appartenant plus au XXe siècle qu’au XIXe, nous ne l’examinerons point ici en détail. C’est moins une synthèse qu’un balbutiement, orné par son principal auteur, William James, d’une multitude de petites réflexions ingénieuses. Si les mouches avaient une philosophie, elle serait vraisemblablement très analogue au pragmatisme, étant donné leur vision à facettes ; et il est fort amusant de constater qu’une philosophie, qui prétend s’étayer avant tout sur les faits (sur la poussière mobile du fait le mieux constaté et le plus patent) donne, comme aucune autre, la sensation d’une série morcelée de rêves enfantins.

Puisque ce terme d’enfantin vient sous sa plume, à l’occasion de William James (ce Pierre Loti de la philosophie discursive, qui confond l’être et le paysage) je veux faire ici une remarque d’ordre général : le développement mental et moral de l’homme comporte un certain nombre de périodes : la petite enfance, la précocité, la puberté, la nubi-