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DÉCADENCE DE LA PHILOSOPHIE

teurs de la Sorbonne et du Collège de France jusqu’aux humbles rivages de l’école primaire. Car (et c’est ce que Comte avait bien vu et lourdement, mais solidement, défini) les manifestations intellectuelles d’un temps sont solidaires et retentissent les unes sur les autres. La phraséologie pseudo-philosophique d’un Cousin et d’un Janet s’apparente à la phraséologie pseudo-romanesque d’une Sand et d’un Feuillet. Le plat déterminisme d’un Claude Bernard (dont la misère fait contraste avec les hardies expériences du même) encourage la trivialité d’un Zola. De sorte que mon père, Alphonse Daudet, avait grandement raison d’assimiler chaque génération à un bateau, dont les passagers participent des mêmes clartés et des mêmes erreurs.

Pendant tout le cours du XIXe stupide, la démocratie révolutionnaire, ou libérale, a été en quête d’une philosophie susceptible d’étayer ses funestes rêveries. Ses augures, tournant le dos à ce qu’est une véritable métaphysique (dépouillée de tout ordre de contingences et ne visant que l’universel) ont échafaudé une philosophie, qu’ils affirmaient métaphysique (et qui ne l’était pas, et qui ne pouvait pas l’être), sur l’imagination enfantine du progrès continu, de l’évolution, loi fondamentale de l’univers, et autres balivernes, énumérées à l’introduction du présent ouvrage. Lesquelles balivernes ont été combattues, avec une faiblesse d’arguments égale à la leur, par des affirmations du Vrai, du Beau et du Bien, nullement étayées et d’une misère navrante. Au naturisme triomphant (et qui faisait