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DÉCADENCE DE LA PHILOSOPHIE

métaphysique. S’il est bien vrai que ses théories, souvent ingénieuses, soient corroborées par des sciences à leur début, ou à l’état stationnaire, il apparaît qu’elles s’effritent et s’estompent à mesure que ces sciences se transforment, en s’étendant, et s’approfondissent, ou qu’elles épuisent leur substance. Il apparaît aussi qu’elles ont finalement entraîné leur auteur dans une direction toute différente de celle qu’il avait conçue. Enfin, le relativisme de Comte, s’il aide à comprendre certaines régions de classement de la conscience, laisse délibérément en dehors de ses lumières les catégories suprêmes de l’esprit, celles qui précisément soudent le monde extérieur au monde intérieur et assurent, sans heurt, la double gravitation de la Raison et des objets auxquels elle s’attache. Le comtisme est un vin assez généreux, pas mal frelaté, et qui peut griser, surtout dans l’adolescence. Il n’étanche point la soif du Vrai, puisque, par la définition de ses prémisses, il désespère même d’y atteindre jamais.

Ce qui caractérise les travaux philosophiques au XIXe, c’est leur oscillation continuelle entre un spiritualisme purement verbal comme celui de Cousin et de Jouffroy, et un naturalisme déductif, expérimental ou de laboratoire, qui fait de la philosophie une science comme une autre, si ce n’est un peu plus conjecturale. Vainement oratoire et grandiloquente, ou ridiculement réduite à l’interprétation des faits d’observation, telle nous apparaît l’aspiration mentale à la sagesse (une « sagesse boursouflée