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L’ABERRATION ROMANTIQUE

logien, conformément à une psychologie vraie (les prémisses étant posées) et non arbitraire, et il développe fougueusement, et jusqu’au bout, les actes commandés par ces aspirations pathétiques.

De tels dons le mettaient forcément en opposition avec son temps, anémié et baroque, qui se le représentait comme un animal fabuleux, comme un hyrcocerf, comme une survivance du déluge, simplement parce qu’il était un croyant parmi des crédules, un méditatif parmi des badauds, et un sincère parmi des cabotins. Pour un retentissant Tartuffe comme le père Hugo, la présence, dans les plates-bandes littéraires, d’un tel Alceste (faisant un fouet de ses rubans verts) était quelque chose d’inadmissible, d’intolérable, au même titre que l’existence d’un Veuillot. Quiconque ne l’adorait pas les yeux fermés, n’avalait pas ses énormes bourdes, était, aux yeux de Hugo, un suppôt de Loyola, vomi par le tribunal du Saint-Office. Très bien, mais que reste-t-il de ses copieux romans et de ses burlesques drames, et qu’en restera-t-il dans vingt ans ? Au lieu que les romans de Barbey, et ses jugements si drus et si nets, assénés, commencent à accomplir, dans les imaginations contemporaines, ce mystérieux travail grâce auquel s’orientent le goût et les réflexions d’un âge mûri par le malheur. Aux jeunes et vaillants Français qui nous suivent, nous indiquons cette source de joie, cette source de force, cette source saine, ces pages dont l’emportement splendide, après cinquante ans, est demeuré intact, ces pages sans une